Thèmes
Par
Une balade dans le quartier juif pragois
Par Jaroslava Gissubelova
"Prague rivalise avec Vienne pour ses palais, avec Dresde pour ses
jardins, avec Cracovie pour son ghetto". "Prague, c'est un amalgame de
cultures juive, allemande et tchèque, et la magie et le fantastique de
Prague trouvent un écho supplémentaire dans l'évocation légendaire de
son ghetto." J'ai empruntée ces caractéristiques de Prague pour
introduire notre promenade qui nous amènera dans l'ancien ghetto juif
de Prague...
On n'exagère pas en disant que le quartier juif pragois a un charme
magique et que c'est l'un des endroits les plus visités par les
touristes étrangers. La cité juive d'aujourd'hui, c'est six
synagogues, l'hôtel de ville et le cimetière qui subsistent, après une
démolition, à la fin du siècle dernier pour des raisons
d'assainissement, de l'architecture labyrinthique aux ruelles étroites
et sombres et aux baraques entassées...
Géographiquement, l'ancien ghetto de Prague était compris entre les
rues Elisky Krasnohorske, à l'est, la rue du 17 novembre, au nord, et
Kaprova, au sud. Il était l'un des plus anciens d'Europe centrale et
le chef-lieu des autres communautés de Bohême. Selon la tradition, les
Juifs seraient arrivés à Prague après la destruction du Temple de
Jérusalem. Une communauté juive est mentionnée, en 965, par le
marchand Ibrahim ibn Jacob, aux pieds du Château. Une autre colonie
est aussi implantée, vers 1091, sur la route de Vysehrad. Au 12ème
siècle, au plus tard, est apparue une troisième colonie juive, à
proximité de la place de la Vieille-Ville, sur le site de Josefov, et
c'est celle-ci, qui s'est maintenue à Prague.
Malgré les premiers pogroms européens et la série d'interdictions
contre les Juifs, ces derniers reçoivent la protection de certains
souverains, dont Premysl Otokar II qui, par un édit de 1254, leur
accorde des privilèges, réprime les violences antisémites, interdit
les baptêmes forcés et garantit la liberté de culte, d'administration
et de justice. Malgré cette protection royale, plusieurs souverains
abuseront de leur pouvoir: un pogrom de Pâques 1389 a fait 3000 morts
à Prague. Il faut attendre Joseph II, empereur éclairé, pour que les
Juifs puissent jouir de droits et participer pleinement à la vie
économique et culturelle du pays. L'égalité complète des religions est
accordée dans l'Empire en 1867 et entre temps, le ghetto devient, en
1861, le 5ème quartier de Prague appelé Josefov, en hommage à Joseph
II.
A partir de 1892, la cité juive, peuplée de pauvres uniquement, et
trop insalubre, est rasée. Il faut installer une canalisation moderne
et ouvrir de nouvelles rues. A l'emplacement de l'ancien ghetto, de
nouvelles maisons d'habitations élégantes, en styles historisants et
Art-Nouveau sera bâti... Franz Kafka, figure légendaire de Prague
juif, a écrit à ce propos: "Les recoins obscurs, les passages secrets,
les fenêtres aveugles, les cours malpropres, les brasseries bruyantes,
les auberges sinistres continuent de vivre en nous... La vieille ville
juive malsaine est bien plus réelle que ne l'est la nouvelle ville
hygiénique autour de nous..." fin de citation...
De l'ancien ghetto, il ne subsiste, nous l'avons dit, que six
synagogues, l'hôtel de ville et le cimetière. Tous ces monuments sont
de véritables bijoux. La plus ancienne est la synagogue
Vieille-Nouvelle, de style gothique primaire, fondée en 1270.
Constituant le centre du ghetto, elle s'appelait initialement Nouvelle
Ecole et, quand de nouveaux temples ont été édifiés, elle devient
Vieille-Nouvelle. Contrairement aux autres édifices religieux du
ghetto, elle n'a jamais été enserée dans un pâté de maisons, de sorte
qu'elle a échappé aux incendies. Ce n'est qu'a à la fin du siécle
dernier qu'elle a connu ses premières grandes réfections. La
décoration intérieure de la synagogue est très sobre. Seul le tympan
du tabernacle et les chapiteaux présentent des motifs de vigne. Le
sanctuaire, sur le mur oriental, contient la Thora - rouleau de
perchemin contenant le texte des cinq livres de Moïse en hébreu. Cet
édifice est toujours un lieu de culte actif.
Parmi les illustres rabbins de la synagogue Vieille-Nouvelle, le plus
célèbre reste le très savant Jehuda Lew ben Bezabel, dit le rabbin
Löw, créateur du légendaire Golem. Un géant né d'un mélange de terre
et d'argile, destiné à protéger la communauté juive, devrait, d'après
la légende, être toujours caché dans un endroit inaccessible, le plus
probablement sous le toit de la synagogue. La synagogue reste,
elle-aussi, entourée de légende qui lui prête, en effet, différentes
origines. Pour les uns, la Synagogue Vieille-Nouvelle a été érigée
avec les pierres du Temple rapportées par les Juifs de Jérusalem, pour
d'autres, ce sont les anges protecteurs de l'église qui en ont
transporté les pierres.
A l'entrée du vieux cimetière juif, on trouve la Synagogue Klaus. Sa
construction remonte à la fin du 17ème siècle. Sous la voûte richement
décorée est installée une belle collection de manuscrits et d'imprimés
hébraïques. Prague a été, au nord des Alpes, le plus ancien centre
d'imprimerie pour les Juifs et ses ateliers jouissaient d'une
réputation européenne. C'est au début du 15ème siècle qu'a commencé
l'activité de la première imprimerie en hébreu.
La Synagogue Haute, située derrière l'Hôtel de ville, rue Cervena, a
été élevée au 15ème siècle. Elle accueille aujourd'hui une des plus
précieuses collections de tissus synagogaux réunis au monde: sont
rassemblés ici des milliers de rideaux, draperies et bandelettes pour
la Torah. Les pièces proviennent de toutes les communautés juives de
Bohême et de Moravie et couvrent une période allant du 16ème siècle
jusqu'à nos jours. Comme pour l'imprimerie, Prague a été pour la
broderie l'un des grands centres d'Europe centrale. Les pièces les
plus intéressantes sont les rideaux destinés à être suspendus dans la
partie antérieure des tabernacles, au contact des rouleaux de la
Torah.
Dans la partie sud du vieux cimetière juif est située la Synagogue
Pinkas, édifice Renaissance, transformé après la Seconde Guerre
mondiale en mémorial des victimes de l'holocauste, avec les noms des
77 297 Juifs de Bohême et de Moravie qui ont péri dans des camps de
concentration.
Articles correspondants
|
|||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Český rozhlas 7 - Radio Praha, Vinohradská 12, 120 99 Praha 2, Česká Republika tel: +420-2-2155 2911–7, fax: +420-2-2155 2903 © Copyright 1996-2022 Radio Prague, All Rights Reserved E-mail: cr@radio.cz |